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Afriques, mondes et savoirs de demain
Issues critiques & (Re)découvertes

« Compter sur ses propres forces. » Face à la dépendance à l’aide, promouvoir les experts contextuels dans les politiques publiques en Afrique

Jean-Pierre Olivier de Sardan

« Compter sur ses propres forces. » Face à la dépendance à l’aide, promouvoir les experts contextuels dans les politiques publiques en Afrique

CRITICAL ISSUES

Résumé de l'article

Habituellement, le terme d’expert connote une spécialisation professionnelle, et, plus particulièrement dans le champ du développement, une compétence reconnue en ingénierie technique ou en ingénierie sociale. Nous voulons ici l’étendre à une tout autre forme de compétence.

En Afrique, la méconnaissance des contextes locaux dans lesquels interviennent les projets et programmes de développement standardisés (« modèles voyageurs »), et la non-prise en compte des effets inattendus qui découlent des réactions des acteurs locaux, sont des données structurelles du monde institutionnel du développement, qui sont à l’origine de ses échecs récurrents. Ce dernier ne manque pas d’experts internationaux (ou parfois nationaux) au sens classique du terme, mais il ne recourt jamais aux compétences de ceux qui connaissent le mieux ces contextes locaux qui « mettent à l’épreuve » les interventions extérieures, autrement dit il ignore l’existence d’une « expertise contextuelle », qui serait pourtant indispensable si l’on entend élaborer et mettre en œuvre des interventions et des politiques publiques qui soient enfin adaptées au « monde réel », celui des quartiers et des villages africains, qui est ignoré des bureaux de Washington, Genève ou Paris (et souvent aussi de ceux de Dakar, Bamako ou Cotonou).

Bien que non reconnus en tant que tels, les experts contextuels existent pourtant, sous deux formes. Les plus nombreux sont des experts contextuels opérationnels, autrement dit des acteurs de terrain, travaillant au contact des usagers dans les services de l’État ou dans les multiples projets ou ONG : ils connaissent bien (et surtout de l’intérieur) les normes pratiques des fonctionnaires et les normes sociales des populations ; mais, en outre, ils ont aussi une réflexion critique vis-à-vis des routines du quotidien et une capacité d’initiatives et d’innovations ancrées dans les réalités du terrain (ce sont des réformateurs de l’intérieur, et nous en avons rencontré dans nos enquêtes). D’autres sont des experts contextuels indirects, autrement dit des chercheurs, dont l’activité professionnelle consiste, essentiellement grâce à des méthodes qualitatives impliquant une insertion prolongée, à décrire, comprendre et analyser les contextes locaux (et leurs réactions aux interventions extérieures) ; ils sont bien placés pour identifier les experts contextuels opérationnels.

Les uns et les autres constatent tous les jours à quel point les interventions conçues, financées et pilotées par les institutions de développement (les réformateurs de l’extérieur) sont déconnectées des pratiques et des perceptions des acteurs directement concernés, tout en reproduisant une addiction dangereuse à l’aide internationale.

Nous discuterons plus en détail dans l’article de ce concept d’expert contextuel, de sa spécificité par rapport à des notions proches, et de ce en quoi la mobilisation d’une expertise contextuelle pourrait permettre d’améliorer la qualité des services que les institutions de développement et les politiques publiques délivrent aux populations.

Mots-clés :

Socio-anthropologie, ingénierie sociale, action publique, réformes, développement local, innovation

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