Résumé de l'article
Je voudrais saisir cette occasion pour honorer l’héritage de l’ouvrage de Valentin Y. Mudimbe, The Invention of Africa : Gnosis, Philosophy, and the Order of Knowledge (1988). Il y a plusieurs raisons pour que je prenne cette route. L’une, ce sont les nombreuses conversations que nous avons eues depuis que j’ai rejoint l’université de Duke en 1993 et ce que j’ai appris de sa démonstration selon laquelle l’Afrique était et est une invention de l’imaginaire occidental. La seconde est que je voudrais mettre sa thèse en dialogue productif avec La invención de América : El universalismo de la cultura de Occidente d’Edmundo O’Gorman (1958). Pour Mudimbe, Michel Foucault a été une source d’inspiration de son argumentation. Pour O’Gorman, c’était Martin Heidegger. Ce qui les relie, ce sont les legs géopolitiques de la colonialité confrontant la philosophie à la gnose (la sagesse est plus que la connaissance) dans le premier cas, et ramenant, dans le second, l’universalisme occidental à sa propre taille. Tous deux ont lutté contre la totalité totalitaire du savoir et les legs coloniaux de la modernité et de la civilisation occidentales. Tous deux ont révélé que répondre à l’eurocentrisme de la philosophie dans le premier cas et à l’universalisme historique occidental dans le second ne signifiait pas revenir à un passé intact, mais plutôt avancer dans le présent vers et à travers les reconstitutions décoloniales du destitué, qui sont désormais les seules choses qui nous restent. Le passé s’en est allé et le futur n’existe pas encore.
Mots-clés :
Colonialité/modernité, invention/découverte, Renaissance/Lumières, décolonialité/Troisième Nomos de la Terre, Afrique/Amérique